Un patient hémodialysé de 74 ans se plaint de douleurs aux deux pieds apparues une semaine après le début d’un traitement d’anticoagulation par de la warfarine.
Ce traitement avait été débuté suite à une dysfonction de son cathéter de dialyse, et l’INR à ce moment était thérapeutique (entre 2 et 3).
Ce patient est hémodialysé depuis 3 mois et son insuffisance rénale terminale était causée par une néphropathie diabétique. De plus, il a les antécédents suivants : diabète de type 2, hypertension, maladie vasculaire athérosclérotique cardiaque (infarctus du myocarde ancien), cérébrale (accident vasculaire cérébral ancien) et périphérique (claudication des membres inférieurs) et hypothyroïdie.
À l’examen physique des pieds, on peut constater les trouvailles suivantes :
(Figures 1 à 4).
Un mois plus tard, le pied gauche évolue comme suit :
(Figures 5 et 6).
À ce moment, nous obtenons le résultat de l’angiographie suivante :
(Figures 7 et 8).
Finalement, les pieds de notre patient évoluent dans les prochains mois comme suit :
(Figures 9 à 12).
Quel est votre diagnostic ?
Dans ce cas, on voit l’apparition surtout d’un livédo embolique bilatéral, mais plus important à gauche (Figures 1 à 6). On voit même un ‘blue toe syndrome’ au 4e orteil gauche. Ensuite, le 4e orteil gauche a évolué vers de la nécrose sèche tandis que les autres lésions se sont améliorées.
L’étiologie de ce genre d’embolies est la rupture d’une plaque d’athérosclérose suivie de l’embolisation distale de ce matériel composé de cristaux de cholestérol qui résulte en l’occlusion des petites artères distales et l’ischémie du lit d’aval. Ceci origine principalement de l’aorte abdominale mais aussi des artères iliaques et fémorales.
La particularité de ce cas est de retrouver deux causes d’athéroembolies de cristaux de cholestérols chez un même patient sur une période de quelques semaines.
Il y a eu deux vagues d’athéroembolies chez ce patient : une initiale probablement causée par l’introduction d’un traitement d’anticoagulation par la warfarine. À ce moment, il y a eu une ou plusieurs hémorragies de plaques d’athérosclérose libérant des cristaux de cholestérols qui se sont logés dans le lit artériel distal. Ensuite, l’angiographie diagnostique a probablement causé une deuxième vague d’athéroembolies plus légères. Ici, le mécanisme physiopathologique est le décapage des plaques d’athérosclérose par le passage du cathéter servant à faire l’examen. Par contre, surtout dans le cas de la première vague d’embolies, nous ne pouvons pas éliminer la possibilité que ces embolies soient spontanées, surtout chez un patient à risque élevé de faire ce genre d’événement spontané.
Le résultat de l’angiographie nous confirme que ce patient était à risque élevé de faire de tels événements étant donné sa maladie vasculaire athérosclérotique avancée. En effet, on peut voir (sur les Figures 7 et 8) une athéromatose modérée de l’aorte abdominale infra-rénale associée à des sténoses des artères rénales bilatérales légères. Ensuite, on constate que des plaques ulcérées sont visibles dans les deux artères iliaques, surtout à gauche, associées à une courte sténose irrégulière sur une plaque partiellement ulcérée peu après l’origine de l’iliaque primitive droite. Cette sténose est difficile à évaluer en raison de son caractère excentrique et elle pourrait être significative hémodynamiquement, c’est-à-dire peut-être autour de 75 à 80% de surface.
Options thérapeutiques:
Médicale : Traitement de la douleur et prévention secondaire des maladies cardiaques athérosclérotiques incluant : statine, aspirine, traitement de l’hypertension, éviter le tabagisme et traitement optimal du diabète. Les statines seraient particulièrement importantes en stabilisant les plaques, mais ceci demeure controversé. ‘Stenting’ (couvert ou même non couvert) des lésions.
Chirurgicale : Endartériectomie et/ou pontage vasculaire selon les trouvailles angiographiques. Amputations en dernier recours.
Dans ce cas, le patient a reçu un traitement médical optimal. Ensuite, il a subi une endartériectomie de l’artère iliaque gauche. Ce patient est finalement décédé 6 mois après le premier épisode d’athéroembolie confirmant le mauvais pronostic associé à cette condition.