L’infarctus du myocarde en jeune âge, particulièrement chez la femme, survient près de 50% du temps en l’absence de maladie coronarienne. Chez ces patients, il faut suspecter un vasospasme coronarien, une dissection aortique avec extension rétrograde, une embolie coronarienne ou encore une thrombophilie non diagnostiquée. Néanmoins, le diagnostic le plus fréquent et le plus redoutable demeure la dissection coronarienne spontanée (SCAD), responsable d’environ 35% des infarctus du myocarde chez la jeune femme.
Une jeune dame de 34 ans s’est présentée avec une douleur thoracique atypique prolongée, une élévation marginale des troponines (0.33) et un ECG normal à l’arrivée. La coronarographie a démontré des artères coronaires angiographiquement normales (Vidéo 1A et 1B). Un diagnostic présomptif de myocardite a été posé.
Elle a consulté deux jours plus tard avec une douleur thoracique intermittente. L’ECG révélait un sus-décalage du segment ST dans les dérivations antérieures et inférieures. La coronarographie a démontré une occlusion aiguë de l’interventriculaire antérieure et une dissection coronarienne au niveau de l’artère postéro-latérale (Figure 1, Vidéo 2A et 2B). Une angioplastie coronarienne a été tentée, sans succès. La patiente a développé un choc cardiogénique et a été ultimement traitée avec une transplantation cardiaque d’urgence. Le diagnostic retenu chez cette patiente est une dissection coronarienne spontanée.
Questions clés à se poser :
1) Quelle est la pathophysiologie et quels sont les facteurs prédisposant
à une dissection coronarienne spontanée ?
La dissection coronarienne spontanée est une séparation spontanée de la paroi artérielle n’étant pas reliée à l’athérosclérose, à un trauma ou iatrogénique. Elle survient le plus souvent chez les jeunes femmes sans facteur de risque d’athérosclérose et représente 43% des infarctus du myocarde liés à la grossesse1. Les symptômes sont similaires à ceux d’un infarctus du myocarde lié à l’athérosclérose, allant de l’angine instable jusqu’au STEMI et à la fibrillation ventriculaire. L’aspect classique à la coronarographie est la visualisation d’une membrane intimo-médiale avec une double lumière ou un hématome intra-mural2. L’utilisation d’imagerie intra-coronarienne comme l’échographie endovasculaire (Figure 2) ou la tomographie par cohérence optique permet de clarifier le diagnostic lorsque l’apparence angiographique n’est pas classique3. Les facteurs de risque à rechercher sont la dysplasie fibromusculaire artérielle, la présence de maladies inflammatoires systémiques, les maladies du tissu conjonctif, l’hormonothérapie et le contexte post-partum4. Lorsque le diagnostic de SCAD est posé, il faut rechercher particulièrement la dysplasie fibromusculaire artérielle qui est présente chez plus de 50% des patients avec SCAD. Une imagerie via écho-doppler, angio-CT, angio-IRM ou angiographie conventionnelle est fortement suggérée au niveau cérébral, cervical, abdominal et iliaque5.
2) Lorsque le diagnostic de dissection coronarienne spontanée est posé,
quelles sont les avenues thérapeutiques possibles ?
En présence d’une dissection coronarienne spontanée à la coronarographie, l’approche interventionnelle sera basée sur la présence d’ischémie myocardique secondaire à la dissection. De façon générale, un traitement médical conservateur sera favorisé, étant donné un taux d’échec jusqu’à 50% à l’angioplastie coronarienne2. Une revascularisation percutanée ou par pontages aorto-coronariens sera favorisée seulement s’il y a une occlusion de l’artère coronaire avec flot ralenti ou absent, ischémie coronarienne active et persistante, choc cardiogénique ou dissection du tronc commun6. L’utilisation d’une assistance ventriculaire ou une greffe cardiaque tel que décrit chez notre patiente, est une mesure exceptionnelle7,8. Pour ce qui est de la thérapie médicale, l’utilisation de bêta-bloqueurs et d’aspirine est recommandée basée sur des études rétrospectives. Il faut aussi considérer l’utilisation de statines et d’ARA, bien que ceci soit plus controversé. À l’opposé, l’utilisation de thrombolyse est déconseillée, si un diagnostic de SCAD est fortement suspecté2.
3) Pour ce qui est du suivi à long terme,
que dois-je recommander à mon patient ?
Tout d’abord, il faut s’assurer d’optimiser la thérapie médicale et de traiter la dysfonction ventriculaire gauche si celle-ci est présente. Chez tous les patients avec SCAD, la référence dans un programme de réhabilitation cardiaque est fortement suggérée9. Cela diminuerait la récidive de douleur rétrosternale, la récidive d’infarctus du myocarde, augmenterait la capacité à l’effort du patient et diminuerait l’incidence de symptômes dépressifs. Plusieurs auteurs recommandent aussi aux patients de s’abstenir de soulever des charges de plus de 50 livres, étant donné que ceci a été associé dans des études rétrospectives à la survenue de SCAD2,10. Le risque de récidive de SCAD est d’environ 3% et le risque d’évènements cardiovasculaires significatifs (MACE) à long terme est de 6%4. Le taux de récurrence chez une patiente post-partum qui désire une grossesse subséquente est mal défini, mais semble très élevé11.
Discussion du cas présenté :
Chez notre patiente, la dissection coronarienne spontanée atteignait plusieurs artères de façon concomitante, ce qui est une caractéristique rare que l’on retrouve chez moins de 25% des patients avec SCAD12,13. Il s’agissait de dissection coronarienne de type I, avec une apparence classique. Étant donné que la patiente présentait un infarctus aigu avec occlusion complète de l’artère interventriculaire antérieure, il était justifié de tenter une angioplastie chez cette patiente. Cependant, il y a eu échec à l’angioplastie coronarienne, ce qui a mené à l’utilisation d’un dispositif d’assistance ventriculaire et éventuellement à une greffe cardiaque. L’analyse à la pathologie a démontré une dissection coronarienne de l’ensemble des segments des trois artères coronaires. L’évolution clinique a été favorable suite à la greffe cardiaque. Chez notre patiente, la recherche de dysplasie fibromusculaire s’est avérée négative.
Figures
Figure 1 :
Coronarographie démontrant une dissection coronarienne de type I avec occlusion complète de l’artère interventriculaire antérieure (1A) et une dissection coronarienne de type I au niveau de l’artère postérolatérale (1B)
Échographie endovasculaire (IVUS) démontrant une dissection coronarienne spontanée de l’artère interventriculaire antérieure (2A) et un hématome ostial d’une deuxième diagonale (2B)
Remerciement spécial au Dr Tomas Cieza, cardiologue hémodynamicien, IUCPQ
Références
La définition classique d’un anévrisme est un vaisseau sanguin ayant un diamètre égal ou supérieur à 150% de celui d’un vaisseau normal adjacent.1 L’aorte abdominale mesure normalement près de 2 cm. On définit donc l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) lorsque son diamètre atteint 3 cm ou plus. Le principe s’applique également pour toutes les autres artères. Une artère poplitée mesurant 2 cm ou plus est définie comme anévrismale.2
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